LES COMPARUTIONS IMMEDIATES
Propos liminaires :
Anciennes audiences dites des flagrants délits, instaurées dès 1863 en France -dans leur configuration de l’époque-, la procédure des comparutions immédiates actuelle –qui existe depuis 1983 dans sa forme se rapprochant de celle que l’on connait aujourd’hui- est à présent régie par les articles 393 à 397–7 du Code de procédure pénale.
A l’origine, ces audiences « en temps réel » avaient été instaurées pour réduire le nombre et la durée des incarcérations provisoires…
Concernant cet objectif historique, on peut à tout le moins considérer qu’il n’est pas parfaitement rempli. Car si les incarcérations ne sont pas toutes provisoires du fait de la rapidité du traitement des délits, elles sont.
Conformément aux article 393 et suivants du Code de procédure pénale, à l’issue de la garde-à-vue, la personne est déférée devant le Procureur de la République [cela veut dire qu’elle est présentée devant ce magistrat, qui n’est pas un juge du siège chargé de juger/rendre des décisions de justice mais qui est ici l’autorité de poursuite ou « juge du parquet » ou « juge debout » pour amovible, placé sous l’autorité du Garde des Sceaux, à la différence des magistrats du siège], qui décide de son sort, étant précisé qu’au moment de la « présentation », la personne fait toujours l’objet d’une mesure de contrainte.
C’est ce que l’on appelle l’orientation donnée par le parquet. Pour ces affaires, c’est la section P12 du parquet de Paris –celle du traitement en temps réel- qui « oriente » les personnes –désentravées au moment de la présentation, d’où le terme déferrement- qui lui sont présentées pour décider la suite judiciaire à apporter à l’infraction qui a/aurait été commise.
Et elle est importante cette orientation, puisqu’elle détermine le sort de la personne et, in fine, la peine qui sera éventuellement prononcée à son encontre en cas de condamnation.
L’orientation en comparution immédiate répond à une certaine logique judiciaire : immédiateté souhaitée du traitement pénal et de la répression d’une infraction, portée coercitive de ce choix de procédure, sévérité, effectivité des sanctions pour remédier à la lenteur et à l’impunité que certains croient devoir reprocher à la justice.
Cette procédure a été particulièrement mise en avant au début des années 2000, pour combattre les délits routiers.
Ainsi, les délits routiers, depuis quelques années, font l’objet d’un traitement standardisé à outrance. C’est l’émanation d’une volonté du politique : mettre un terme aux infractions au Code de la route.
Aujourd’hui, la procédure pénale -et finalement la politique pénale- française laisse un rôle prépondérant au parquet. Selon les tribunaux, les profils des magistrats en poste vont influer sur les orientations et les jugements rendus.
Et la procédure de comparution immédiate serait « pertinente » d’un point de vue de gestionnaire.
Dans la conception de certains politiques, et indéniablement de certains parquetiers, une justice rapide serait une justice moins coûteuse. Ce sont des logiques gestionnaires et sécuritaires, dont la logique pose toutefois question.
Car il est évident qu’en réalité, les procédures de comparutions immédiates, contrairement à ce que pensent certains, nécessitent beaucoup de moyens, qui ne servent pourtant pas une bonne justice.
En effet, une audience de comparutions immédiates monopolise a minima chaque jour des escortes, des avocats commis d’office, parfois des Juges des Libertés et de la Détention, des substituts du procureur, trois magistrats du siège, des enquêteurs de personnalité, etc.
Alors évoquer une « meilleure gestion » ou une réduction des coûts pour se justifier quand, au surplus, les renvois sont de droit…
Et surtout, quid des droits de la défense ?
Cette conception managériale de la justice pose question. Elle prend la place de la conception procédurale qui devrait être le fer de lance de la justice. D’une bonne justice à tout le moins. D’une conception procédurale de la justice respectueuse des droits de la défense et garante du droit à un procès équitable.
Dans la pratique, la peine ferme -avec mandat de dépôt, même pour des peines de moins d’un an- est ici la norme.
Il convient de rappeler à ce stade qu’en dehors des audiences de comparutions immédiates, il n’est pas possible de prononcer un mandat de dépôt à la barre (et donc un emprisonnement immédiat effectif) quand la peine prononcée est inférieure à un an.
Les magistrats du parquet, qui jouissent d’une entière liberté pour décider de recourir à cette procédure si elle entre dans le cadre –très large- de la loi, la choisissent donc dès lors qu’ils souhaitent que la personne déferrée soit effectivement incarcérée à l’issue de l’orientation.
De la même façon, quand il y a plusieurs prévenus et que le substitut du procureur souhaite que l’un des prévenus passe en comparution immédiate pour obtenir qu’un mandat de dépôt soit décerné à son encontre, on y envoie aussi les prétendus complices, pour que les faits soient traités ensemble, leur faisant ainsi supporter les inconvénients de cette procédure.
Car le passage en comparution immédiate augmente ceteris paribus le risque d’emprisonnement ferme : c’est l’effet répressif du choix de l’orientation.
Pour décider de l’orientation, les parquetiers ont des critères.
Le casier judiciaire est l’un de ces critères. Il est même déterminant. Ainsi, des affaires qui ne devraient pas se retrouver jugées en comparutions immédiates s’y retrouvent parce que cela fait par exemple la 6ème fois qu’un mis en cause est arrêté pour des faits identiques à ceux qui lui sont encore reprochés.
Quand figurent au casier judiciaire d’une personne plusieurs peines et si au surplus la dernière est récente, le passage en comparution immédiate est quasiment systématique.
A cet égard, le développement récents des fichiers de traitement, tel que CASSIOPEE (qui est le fichier de traitement des antécédents judiciaires), conduit à une sorte de hiérarchisation des prévenus en fonction de leurs antécédents.
En effet, avec CASSIOPEE, les parquetiers ont accès à un plus grand nombre d’informations concernant les antécédents d’une personne, ce qui peut naturellement s’avérer problématique lorsque l’avocat du mis en cause prend lui connaissance d’un casier judiciaire à quelques minutes du début des débats et que le ministère public fait état d’informations qu’il ignore en cours d’audience. On peut légitimement s’interroger sur le respect du contradictoire, notamment.
Il semble illusoire de croire que, pour prévenir la récidive, la peine sévère et quasi-automatique serait efficace.
Concernant le profil des prévenus, il convient d’indiquer qu’à l’origine, les audiences des flagrants délits avaient pour finalité de sanctionner les vagabonds (et partant le délit de vagabondage).
Aujourd’hui encore, conformément à la tradition française, les personnes sans emploi et de nationalité étrangère sont surreprésentées en audiences de comparutions immédiates.
Et l’absence de « garanties de représentation » conduit inexorablement en détention…
La question qui se pose est donc celle de savoir si, avec cette procédure, on va vers une plus grande efficience, voire une plus grande efficacité.
Prenons l’hypothèse d’un dossier mal ficelé, qui conduira nécessairement à une relaxe (ce qui arrive souvent en comparution immédiate). Peut-on parler d’efficience ou d’efficacité ? Les moyens financiers nécessaires (escortes, juges, avocats, etc), pour un dossier « plié » témoignent-ils d’une grande efficacité des moyens mis en œuvre ?
Une bonne justice a besoin d’une chose : elle a besoin de sérénité.
Et la rapidité ne sert pas la sérénité.
- La procédure après l’orientation :
Il peut être à ce titre intéressant de consulter le « guide d’orientation du parquet », cette grille de l’orientation qui dépend de la simplicité/complexité de l’affaire, de l’importance du préjudice, du nombre de mis en cause, de la gravité du trouble à l’ordre public, des antécédents judiciaires du mis en cause, de ses garanties de représentation, de la nécessité de protection de la « victime » (le parquet regarde ainsi par exemple si le nombre de victimes est important ou si les antécédents judiciaires du mis en cause sont très nombreux).
Les comparutions immédiates, qu’est-ce que c’est ? Pour quelles affaires ? Comment ?
C’est l’article 395 du Code de procédure pénale qui prévoit que dans le cas où le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, le procureur de la République, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.
En cas de délit flagrant, si le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.
Le prévenu est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.
Autre précision, importante, les mineurs ne peuvent pas être jugés en comparution immédiate (il existe un audiencement rapide spécialisé devant le Juge des enfants). S’il apparaît que la personne que l’on défend est mineure, on soulève la nullité de la saisine. Le problème peut souvent se poser avec des personnes isolées et qui n’ont pas de papiers/dont on ignore l’identité et qui se disent mineures. Si le tribunal ordonne une expertise pour déterminer l’âge du mis en cause et renvoie l’affaire à une date ultérieure, le problème est qu’il n’est pas rare qu’il soit détenu provisoirement dans cette attente. Si l’expert conclu à la minorité du prévenu, il sera a priori libéré.
De la même façon, les infractions prévues par des lois spéciales (par exemple un délit de presse ou en matière électorale) ne sont pas jugées en comparution immédiate.
Parfois, des faits qui mériteraient l’ouverture d’une instruction -et même d’une instruction criminelle- se retrouvent en comparutions immédiates. Il faut le signaler. Ce n’est pas admissible. Ils méritent un examen attentif, ne serait-ce qu’en raison des enjeux existants et de l’importance de la peine encourue.
Un arrêt de la Cour d’appel de Douai est à signaler en ce sens dans la mesure où dans cet arrêt, la Cour estimait qu’un condamné en comparution immédiate n’avait pas été mis en possibilité de préparer sa défense…
A Paris, en audience de comparutions immédiates, il y a environ une quinzaine de dossiers à traiter par jour.
En réalité, dans la pratique, on ne peut que constater que les critères retenus par les parquetiers sont peu pertinents et que, partant, la procédure est totalement dévoyée.
Il faudrait une qualité du dossier fourni.
Malheureusement, les procureurs / substituts de permanence semblent avoir aujourd’hui une défiance envers les magistrats instructeurs et privilégient en conséquence les procédures de comparutions immédiates à des ouvertures d’informations, en espérant de cette manière obtenir une réponse pénale plus rapide et surtout plus sévère, au détriment des droits des prévenus.
C’est grave.
C’est un véritable problème. D’autant que ce n’est pas l’objet de ces audiences. Il faut donc le rappeler.
Les magistrats en charge de l’audience n’obtiennent les dossiers que le matin même (en raison des délais prévus par le Code de procédure pénale) et ils ont parfois jusqu’à 18 dossiers à juger dans la même audience. Ils ont donc maximum deux heures pour lire tous les dossiers. Quand on envisage les peines de prison ferme parfois prononcées, extrêmement longues et assorties de mandats de dépôt, l’on peut légitimement avancer qu’il conviendrait que les magistrats aient été mis en mesure d’étudier le dossier de manière plus approfondie, surtout lorsque les faits sont contestés.
Si les dossiers sont trop volumineux, naturellement, ils mériteraient l’ouverture d’une information judiciaire.
Et les magistrats sont parfois contraints de renvoyer.
Si le choix d’une sanction rapide peut sembler plus pédagogique, en réalité, c’est au détriment d’une bonne justice. Et la peine trop lourde ne sera pas comprise.
« Tout ce qui est excessif est insignifiant » Charles-Maurice de Talleyrand
D’autres fois, à l’inverse, les parquetiers envoient en comparution immédiate de « pauvres bougres » jugés pour des faits minimes, qui ont peu d’antécédents, qui sont renvoyés pour « rien », ou presque rien, devant la chambre des comparutions immédiates, uniquement pour s’assurer de la « bonne exécution de la peine » alors qu’au regard des faits, une convocation ultérieure ou une mesure alternative au jugement aurait été plus adaptée et aurait eu le bénéfice de permettre à la personne de préparer sereinement sa défense.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » Jean de la Fontaine
Mais avoir un dossier lourd, qui mériterait une information judiciaire, dossier dans lequel on n’a pas même entendu la victime, quand en plus le mis en cause a refusé de parler au cours de la garde à vue (ce qui, doit-on le rappeler est son droit le plus élémentaire) n’a certainement pas sa place en comparutions immédiates.
Une chose est sûre, pour des dossiers complexes et qui méritent un examen serein, les audiences de comparutions immédiates ne sont pas adaptées.
Outre que l’on juge mal passé 22 heures et que ces audiences finissent souvent très tard, en contrariété avec la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Les très mauvaises orientations du parquet sont de très mauvaises habitudes parce qu’elles entrainent de très mauvaises décisions… au détriment des justiciables.
L’avocat a l’obligation –morale- en sa qualité de défenseur et de gardien des libertés publiques, de le rappeler.
En effet, il est évident que c’est plus que révoltant de voir une personne condamnée à une peine de 5 ans de prison ferme quand son affaire a été instruite en 10 minutes, à 23 heures et alors que la personne condamnée a passé 7 minutes avec un avocat commis d’office chargé de son dossier, qui n’avait pas une seule pièce de personnalité pour défendre son client et qui s’est entretenu avec lui sans interprète alors qu’il existait indéniablement une « barrière linguistique ».
Et l’on ne peut pas se dire, pour se rassurer, que la Cour d’appel sera plus « clémente » à défaut de relaxe… car ce n’est pas le cas à Paris.
De la même façon, on peut ressentir un sentiment identique, id est être extrêmement mal à l’aise et même révolté- lorsque l’on voit arriver en comparution immédiate des personnes jugées pour des affaires beaucoup trop minables, qui mériteraient une convocation ultérieure par officier de police judiciaire voire une procédure alternative au jugement.
En réalité, les comparutions immédiates sont un bricolage incroyable, que l’on ne peut pas imaginer si l’on ne les pratique pas.
Les juges qui doivent décider de la liberté ou de la détention, parfois longue, n’ont le dossier que quelques minutes avant l’audience.
Il faut marteler et rappeler que la peine de détention doit être exceptionnelle. Elle doit être le dernier recours. C’est la loi qui le commande. Les magistrats sont tenus d’appliquer la loi. C’est du moins le principe…
Souvent, les juges ne prennent connaissance, dans les procédures de comparutions immédiates, du casier judiciaire du prévenu qu’à l’audience. Il en est de même du maigre rapport de l’enquête effectuée par des enquêteurs de personnalité, quand ils arrivent à joindre une personne pour vérifier les éléments livrés par le mis en cause et alors même que la personnalité du prévenu, comme ses antécédents, participent de la sévérité de la sanction qui va souvent lui être infligée.
Est-il normal que pour des faits similaires, on n’ait pas la même peine selon que l’on est jugé en comparution immédiate ou devant le tribunal correctionnel à la suite d’une convocation délivrée par un officier de police judiciaire ?
Souvent, les avocats ne se voient pas remettre le rapport de l’enquête de personnalité, puisqu’il arrive fréquemment en cours d’audience.
À Paris, c’est l’APCARS (Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion sociale) dont les enquêteurs sociaux sont en charge de réaliser les ESR (enquêtes sociales rapides), qui revêtent une importance considérable dans ce type d’affaires instruites et jugées en temps réel (article 41 du Code de procédure pénale).
De surcroit, on remarque que le niveau de qualité des dossiers baisse, au niveau des enquêtes de la police ou de la gendarmerie.
Cela est dramatique si l’on considère les peines prononcées…
Les magistrats se plaignent pourtant des conditions dans lesquelles -eux aussi- sont contraints de travailler. Mais cela ne change rien.
Indéniablement, la section P12 du parquet de Paris prend de mauvaises habitudes.
Il est à relever qu’il y a de moins en moins d’ouvertures d’informations judiciaires. Les parquetiers ont tendance à diminuer le nombre d’affaires à l’instruction, pour les raisons énoncées précédemment.
À Paris, par cabinet d’instruction, il y a environ 130 dossiers.
Beaucoup de dossiers qui, à une autre époque, auraient conduit à la saisine d’un juge d’instruction se retrouvent aujourd’hui devant la 23ème chambre correctionnelle (comparutions immédiates) du Tribunal de grande instance de Paris. Il en va ainsi par exemple de dossiers d’agression au couteau sur plusieurs personnes. C’est choquant de voir ces dossiers jugés en comparutions immédiates.
C’est également dérangeant de voir, comme c’est la tendance, des dossiers de lourds trafics de stupéfiants jugés en comparutions immédiates, puisque ce sont là encore indéniablement des affaires qui mériteraient l’ouverture d’une instruction. Surtout quand elles viennent après une longue –très longue- enquête préliminaire…
L’article 395 du Code de procédure pénale fixe les conditions requises pour un jugement en comparutions immédiates, et notamment les seuils (6 mois de prison encourus pour des flagrants délits et 2 ans minimum pour les délits non flagrants).
D’ailleurs, comme évoqué précédemment, certains dossiers sont loin d’être flagrants… Ils sont en fait le fruit d’une longue enquête préliminaire qui a duré plusieurs mois, avec un déferrement en comparutions immédiates après une surveillance positive, notamment en matière de stupéfiants.
Pour ces affaires de trafic de stupéfiant, la grande majorité du temps, il n’y a que des interceptions téléphoniques dans le dossier.
La vraie problématique, pour les droits de la défense, c’est naturellement qu’au cours de l’enquête préliminaire, les avocats ne sont pas présents alors qu’ils ont leur place au cours de l’instruction.
Cette pratique permet donc, in fine, de monter un dossier sans l’intervention des avocats, garants du respect des droits de leurs clients ainsi que du respect et de la légalité de la procédure. Ils peuvent, en cours d’information, demander des actes, des auditions, des confrontations. Ils peuvent contester les écoutes, demander des retranscriptions s’ils soupçonnent que les transcriptions ne sont pas complètes ou fidèles.
Et l’on comprend mieux l’intérêt de juger les mis en cause, écoutés des mois durant, en comparutions immédiates…
L’article 396 du Code de procédure pénale prévoit que le dimanche, quand le tribunal ne peut se réunir le jour même, on saisit le Juge des libertés et de la détention qui décidera s’il convient de placer le mis en cause en détention provisoire avant le jugement. Dans ce cas, l’ordonnance qui prévoit la détention provisoire jusqu’à sa comparution à l’audience n’est pas susceptible d’appel et la personne doit être jugée au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. Si elle n’est pas jugée dans ce délai, elle est remise en liberté.
En ce qui concerne la procédure de comparution immédiate elle-même, le droit prévoit que le prévenu ne peut être jugé en comparution immédiate que s’il l’accepte. Ainsi, le renvoi est de droit. Selon la peine encourue et la volonté du mis en cause, il sera jugé dans un certain délai.
Plus précisément, quand le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou quand l’affaire ne paraît pas en état d’être jugée (aussi quand le tribunal décide de renvoyer d’office en raison de la surcharge d’une audience…), les magistrats, après avoir recueilli les observations des parties et de leur avocat, renvoient l’affaire à une audience dans un délai compris entre deux et six semaines, sauf renonciation expresse du prévenu à être jugé dans ce délai.
Lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d’emprisonnement, le prévenu, informé de l’étendue de ses droits, peut demander que l’affaire soit renvoyée à une audience qui devra avoir lieu dans un délai compris entre deux et quatre mois.
Dans les cas prévus par le présent article, le prévenu ou son avocat peut demander au tribunal d’ordonner tout acte d’information qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité relatif aux faits reprochés ou à la personnalité de l’intéressé. Le tribunal qui refuse de faire droit à cette demande doit rendre un jugement motivé.
Mais malheureusement, alors que cela contrevient aux principes de la procédure pénale, bien souvent, quand un renvoi est prononcé à l’initiative du prévenu -ou même prononcé d’office par la juridiction, souvent en fin de soirée et après une attente de plusieurs heures-, le prévenu attend son jugement en détention provisoire, ce qui a une double conséquence : il arrive détenu à l’audience et comparait de fait dans le box outre que cela complique naturellement la préparation de la défense et les moyens d’accès à un défenseur.
Il faut rappeler ici que demander un délai pour préparer sa défense quand on vient d’être déferré pour être jugé en comparution immédiate est un droit absolu de la défense et que cela n’indispose aucunement le tribunal ni les magistrats qui le composent, qui comprennent tout à fait cette nécessité et n’en prennent jamais ombrage.
Mais il est vrai que, parfois, les mêmes magistrats se demandent pourquoi la personne sollicite un délai…
Lorsque le prévenu sollicite un délai –de droit- pour préparer sa défense, la seule chose que va étudier la juridiction, ce sont les mesures de sureté, afin de s’assurer de la présence du prévenu à l’audience de renvoi.
Pour les avocats de la défense, il peut être intéressant de prévenir le Président de l’audience de comparutions immédiates si l’on sait que l’on va solliciter un renvoi à l’audience : cela lui évite de lire le dossier et il appréciera toujours le geste.
Mais attention, la plupart du temps, lorsqu’un renvoi est demandé, le mis en cause passera ce délai en détention. Il faut bien l’expliquer à la personne que l’on défend, qu’elle ne considère pas sa demande de report comme un moyen d’éviter la détention car ce n’est pas l’objet du renvoi. Bien au contraire.
En revanche, si la personne présente de bonnes garanties de représentation (un travail régulier, un domicile certain, des enfants à charge, etc.) et qu’il y a des choses à creuser dans le cadre de sa défense sur le fond, si l’on n’a aucune pièce mais que l’on peut en obtenir, il peut s’avérer utile de bénéficier de temps supplémentaire pour préparer l’audience.
En réalité, c’est la procédure même de comparutions immédiates qui pose question car on devrait toujours pouvoir préparer sa défense dans le cadre d’un procès équitable.
A Paris, l’utilisation des tablettes électroniques au lieu des supports papiers des procédures est une catastrophe. C’est insupportable. Encore une fois, c’est la personne jugée qui va en pâtir.
Pour cette raison, lorsque vraiment l’on voit que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, lorsqu’il reste des investigations à effectuer, lorsque la peine encourue est trop lourde, il est possible de renvoyer l’affaire à l’audience à l’instruction. Le Président prend alors un jugement de renvoi à l’instruction.
- Les nullités en comparutions immédiates
Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises.
Au correctionnel, il faut des preuves. On ne condamne pas sur rien (normalement).
Les procureurs de la République doivent tenir leurs dossiers. Tout au long de l’enquête, ils supervisent les actes. Puis ils décident de l’orientation. Si le dossier qu’ils envoient à l’audience de comparutions immédiates n’est pas en ordre, si c’est du n’importe quoi, les magistrats doivent relaxer le ou les prévenus.
Les magistrats sont parfois gênés de la piètre qualité de certains dossiers, mal ficelés. Dans ce cas ils doivent relaxer. Ce sont les droits de la défense. Les juges ne sont pas censés « sauver » un dossier : si la procédure est bancale, ils n’ont pas d’autre choix que de relaxer, il faut le leur rappeler.
Donc si les procédures sont nulles, il faut le dire ! Il faut soulever les nullités.
Toutefois, il y a une manière de soulever une nullité et il faut aussi vérifier l’intérêt de la soulever.
Il faut tout d’abord, c’est impératif, prendre des conclusions de nullité. C’est un préalable nécessaire même s’il n’est pas obligatoire.
C’est donc judicieux, lorsque l’on sait que l’on va défendre une personne dans le cadre d’une comparution immédiate, de préparer un modèle de conclusions de nullité vierge.
Pour la plupart des nullités, il faut un grief. Inutile donc de soulever une nullité s’il faut un grief et qu’il n’y en a pas.
Rappelons que le rôle des audiences de comparutions immédiates est extrêmement chargé, que les audiences sont longues et tendues et qu’il est contreproductif d’agacer la juridiction en soulevant des nullités, en cas de nullités existantes, s’il est de jurisprudence constante que la nullité n’aura pas d’incidence sur le reste de la procédure…
En ce qui concerne la rédaction des conclusions de nullité en comparutions immédiates, il faut qu’elles soient succinctes, en raison du manque de temps.
Si l’audience vient sur renvoi, les conclusions sont transmises (au procureur de la République et à la juridiction) avant l’audience et dans ce cas, elles peuvent être longues.
Mais dans le cas où elles sont transmises à l’audience, elles doivent impérativement être courtes.
Il faut qu’elles soient extrêmement efficaces en ce cas. Il faut faire court.
Les bonnes conclusions de nullité en comparutions immédiates sont limpides. On cite l’article, il n’est pas nécessaire de le recopier. On indique –c’est essentiel- les côtes/pièces du dossier concerné. C’est tout.
Les conclusions doivent être transmises au procureur à l’audience (respect du contradictoire) et visées par le greffier.
Il ne peut pas être reproché à l’avocat de transmettre ses conclusions au dernier moment et de ce fait il n’est pas possible d’écarter des pièces ou conclusions au seul motif qu’elles n’auraient pas été transmises avant, même si elles sont transmises au moment où l’on appelle l’affaire.
On peut se demander s’il est nécessaire d’écrire les conclusions de nullité ou si l’on peut se contenter de les plaider oralement.
L’article 459 du Code de procédure pénale ne précise pas expressément que les conclusions devraient être écrites mais la question de la preuve demeure. Si le tribunal ne répond pas aux conclusions de nullité soulevées oralement, comment soulever alors –ce qui est possible- le défaut de réponse aux moyens soulevés ?
L’article 459 précité prévoit en effet que le tribunal est obligé de répondre aux conclusions de nullité.
En conséquence, il vaut vraiment mieux écrire les conclusions de nullité que l’on veut plaider dans la mesure où, à défaut, il n’en reste aucune trace/preuve. L’écrit est une garantie.
En outre, il y a aussi le respect du contradictoire, qu’il ne faut pas négliger et la question de la transcription qui serait faite par le greffier de nos conclusions orales sur des points souvent techniques… mieux vaut rédiger rapidement.
Quand les plaider ? Avant toute défense au fond !
Cela peut donc être après le constat de l’identité du prévenu. Il faut attendre que l’identité du prévenu ait été vérifié. Mais il ne faut pas laisser le tribunal commencer à aborder le fond. C’est toujours un moment stressant pour l’avocat de la défense, même le chevronné !!
Le mieux est de prévenir les magistrats et le procureur de la République qu’on a pris des conclusions de nullité qu’on compte soulever dans l’intérêt de notre client avant le début de l’affaire.
Il n’y a aucun problème si des confrères souhaitent se greffer à nos conclusions de nullité en se joignant aux conclusions de nullité, au contraire. Les avocats sont bien sûr invités à faire front commun pour faire « exploser » un dossier nul.
- Nullité / Utilité ?
Il ne faut surtout pas hésiter à soulever les nullités. Il en est ainsi de celle du procès-verbal d’interpellation, de la nullité de la garde-à-vue, etc.
Naturellement, certaines nullités ont davantage d’importance que d’autres (par exemple le procès-verbal de notification des droits, même si aujourd’hui, la plupart de ces procès-verbaux sont pré-rédigés).
Mais il y a encore des nullités à soulever dans l’exercice de ces droits.
Par exemple, depuis les lois dites Taubira, le procès-verbal doit préciser le lieu précis de l’interpellation (étant précisé que cette nullité est soumise à grief).
Encore, l’avis parquet doit être effectué dans les 1 heure, 1 heure 15, hors circonstances insurmontables. Donc au-delà d’une heure, on soulève la nullité. Mais pour soulever l’avis à parquet tardif, là encore, il faut un impact, un grief.
Conformément aux dispositions de l’article 63–2 du Code de procédure pénale, l’avis famille et l’avis médecin doivent être effectués dans le délai de trois heures, sauf circonstances insurmontables (ou instruction du procureur de la République).
Les policiers sont tenus d’informer la famille, mais pas dès la mise en œuvre de la mesure. Quant au médecin, s’il vient beaucoup plus tard que le moment où le gardé à vue l’a sollicité, il n’est judicieux d’en faire état que s’il y a eu une audition entre temps et qu’il apparaît que la personne n’était pas en état d’être interrogée (si son état a été déclaré incompatible avec la mesure par le médecin).
En ce qui concerne les diligences qui incombent aux avocats, on recommande aux avocats de la défense intervenant en garde-à-vue de consigner le défaut de diligences et de le re notifier au moment de la prolongation éventuelle.
La procédure devrait être bien ficelée par la police, certes, mais quand on sait qu’une nullité ne va pas tenir, on ne la soulève pas.
Il faut se concentrer sur les nullités qui passent, qui sont utiles, qui annulent toute la procédure. Ou qui la vide en substance. La meilleure étant indéniablement la nullité du procès-verbal d’interpellation. Il faut donc se concentrer –d’abord- sur celle-là.
Souvent, il y a des interpellations purement au faciès.
Il est vraiment impératif de soulever toutes les nullités du procès-verbal d’interpellation. On ne peut pas interpeller les personnes comme cela ! On ne peut pas le laisser faire. Surtout avec les modifications législatives qui légitiment les contrôles au faciès sous certaines conditions (par exemple les articles 78–2 ou 78–2–2 du Code de procédure pénale).
Il faut, à la base, que quelque chose, de précis, puisse faire craindre une infraction, une raison valable. A défaut, c’est le château de sable, tout dégringole.
- La question de l’accès au dossier (loi du 14 avril 2011)
En vertu de l’article 803–3 du Code de procédure pénale (instaurant le principe du délai de 20 heures entre la fin de la garde à vue et la présentation à un magistrat), théoriquement dès la fin de la garde à vue et donc dès le début du délai de 20 heures, l’avocat devrait avoir accès à l’entier dossier.
Même si l’avocat devrait avoir droit à l’accès au dossier complet au stade de la garde à vue, aujourd’hui, l’article 63–4–1 du Code de procédure pénale limite l’accès de l’avocat à quelques pièces limitativement énumérées (notification des droits, auditions, médecin).
Il faut espérer que cela change.
- Conséquence des nullités :
Actuellement, il n’est pas utile de soulever à l’audience la nullité pour le défaut d’accès complet au dossier.
Le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions.
Ces conclusions sont visées par le président et le greffier, qui mentionne ce dépôt aux notes d’audience.
En vertu de l’article 459 du Code de procédure pénale, le tribunal –tenu de répondre aux conclusions régulièrement déposées- doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi, et y statuer par un seul et même jugement, en se prononçant en premier lieu sur l’exception et ensuite sur le fond.
Il ne peut en être autrement qu’en cas d’impossibilité absolue, ou encore lorsqu’une décision immédiate sur l’incident ou sur l’exception est commandée par une disposition qui touche à l’ordre public.
Tout le monde est recevable à déposer des conclusions, sauf le parquet.
Bien souvent, l’incident soulevé est joint au fond.
La nullité du procès-verbal d’interpellation peut torpiller un dossier mais pas les autres nullités. Pour les autres nullités, en général, les magistrats ne disjoignent pas.
Mais attention, le fait qu’elles soient jointes au fond ne revient pas à dire qu’elles ne seront pas retenues !
Il y a un combat qu’il reste à mener concernant les annulations de gardes-à-vue.
Pour le moment, la Cour de cassation considère que la nullité de la garde-à-vue n’entraine pas la nullité du déferrement.
La théorie du « support nécessaire de l’acte » de la Cour de Cassation, c’est un peu comme la chaine du froid : articles 803, 400, 394, 395… la privation de liberté est organisée à tous les stades jusqu’à l’audience.
Comment alors peut-on soutenir qu’une irrégularité qui affecte à un moment la privation de la liberté n’a pas affecté le déferrement ?
En réalité, la nullité de la garde-à-vue devrait avoir pour conséquence de tout annuler et notamment d’annuler le déferrement. Mais, pour le moment, en dépit du bon sens, ce n’est pas la position de la Cour de cassation.
Le problème, si d’aventure le tribunal décidait de nous donner raison sur les incidences de la nullité de la garde-à-vue : il y a toujours un appel du parquet.
Mais c’est un combat important, à continuer, parce qu’en réalité, la nullité de la garde-à-vue entraine la nullité du procès-verbal de fin de garde-à-vue et donc la nullité du procès-verbal de saisine car il est alors impossible de vérifier si le délai de 20 heures a été respecté…
C’est certes un combat d’avant-garde mais il faut continuer à se battre pour faire tomber le procès-verbal de saisine dans ce cas.
En cas de privation de liberté irrégulière, en raison de la théorie de l’acte support nécessaire, s’il y a autre chose dans le dossier que la garde à vue, avant, le tribunal renvoie au parquet.
Actuellement, il y a une annulation de certains procès-verbaux mais le déferrement reste.
En comparution immédiate, sur les exceptions tirées du non-respect de la procédure, la plaidoirie efficace est courte, précise, sommaire. Il faut être didactique et ne pas oublier que sur les trois magistrats qui tranchent, deux, généralement, ne sont pas des spécialistes de la procédure pénale.
- Plaidoirie sur le fond (présentation dans la plaidoirie des faits et de la personnalité) :
L’article 427 du Code de procédure pénale prévoit que, de façon générale, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction, à l’aune des preuves qui lui sont présentées. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui.
L’article 430 du Code de procédure pénale est important puisqu’il rappelle que, sauf quand la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et rapports constatant des délits ne valent qu’à titre de simples renseignements.
En conséquence, ils ne font pas foi, contrairement aux contraventions. A ce titre, par exemple dans le cas d’une rixe entre prévenus et policiers, les rapports et procès-verbaux, ou encore les plaintes des policiers, n’ont pas de valeur probante supérieure à celle des déclarations des prévenus.
D’ailleurs, l’on voit souvent les mêmes policiers, des mêmes commissariats, qui sont prétendument victimes de rebellions.
Les faits se prouvent par tout mode de preuves : témoignages, perquisitions, aveux, déclarations des victimes, déclarations des prévenus, etc.
Les pièces les plus importantes en comparutions immédiates sont :
- Le procès-verbal d’interpellation
- La plainte de la victime
- Les déclarations du prévenu
Concernant les faits, en comparutions immédiates, il faut être bien conscient, dans la stratégie de défense mise au point avec la personne que l’on assiste, que cela agace profondément les magistrats quand les mis en cause nient l’évidence.
Il vaut mieux essayer de le leur dire quand leur défense (ou leurs dénégations) ne tient pas la route à la lecture du dossier.
Il y a toujours des choses à dire sur un dossier. Toujours. Et si les faits sont simples et évidents, si en plus ils sont reconnus, on s’attarde sur la personnalité du prévenu.
Parfois, malheureusement, le mode de preuve va être le casier judiciaire.
Il faut prévenir le mis en cause que son casier judiciaire jouera un grand rôle. Cela étant dit, même en présence d’un casier judiciaire extrêmement chargé, à défaut de preuve, la personne doit être relaxée (il faut rappeler et même marteler le bénéfice du doute).
A l’audience, parfois, la vapeur peut s’inverser. La manière dont le mis en cause va s’exprimer, des éléments impalpables vont faire qu’un dossier qui paraissait mal engagé en le préparant se passe bien, car le mis en cause semble crédible, etc.
Quid des suppléments d’information ? Quand le dossier est mal ficelé mais qu’il a sa place en comparutions immédiates, la sanction, ce n’est pas le supplément d’information, c’est la relaxe. Le parquet n’avait qu’à mieux contrôler ou mieux orienter son dossier.
Concernant les magistrats qui siègent en comparutions immédiates, ils peuvent paraitre extrêmement durs aux personnes qui ne sont pas habitués à ce type d’audience. Pour comprendre la sévérité extrême –excessive- de certains d’entre eux, l’on peut admettre qu’il doit y avoir une certaine usure à la longue quand on est en charge de la chambre des comparutions immédiates.
Cela étant, les magistrats doivent faire preuve de courtoisie, de neutralité et de patience. Il faut parfois le leur rappeler, bien que l’on peut comprendre que ce n’est pas aisé de faire de la pédagogie et d’être toujours courtois dans ce type d’audiences : c’est de l’abattage, il y a du stress, une grande tension.
- La personnalité
Il est très important de savoir analyser le bulletin numéro 1 du casier judiciaire (B1) quand on va plaider en comparutions immédiates.
Il faut voir ce que le B1 révèle de la personnalité du prévenu. Il n’est pas une présomption de culpabilité mais naturellement, il va jouer dans la perception que se feront de notre client les magistrats à l’audience.
Souvent l’enquête effectuée par les enquêteurs de personnalité (enquête APCARS) nous est donnée quelques minutes avant de plaider, quand on a la chance de l’avoir.
D’où l’intérêt lors de notre entretien confidentiel avec la personne que l’on s’apprête à défendre, si l’on est de permanence notamment et qu’on ne connait pas le mis en cause, de poser beaucoup de questions à la personne, pour pouvoir ultérieurement parler d’elle, de sa vie, de ce qu’elle nous a confié.
Quand on plaide la personnalité d’une personne, il faut donner aux juges un éclairage de notre client, qui il est, ce qu’il a vécu, les choses positives, les problèmes qu’il a rencontrés. Tout ce qui ne transparait pas du dossier.
Il faut essayer de gagner du temps et des points quant à ce qu’il nous confie. Il est primordial de s’attarder sur la personnalité.
Les pièces sont importantes, plus on a de pièces pour illustrer notre propos, mieux c’est.
Certains prévenus ont besoin de soins. D’autres méritent une chance. Il faut là encore analyser le casier judiciaire et voir si les sanctions prises par le passé étaient adaptées, si on peut innover, proposer autre chose, pour éviter la récidive et s’assurer du suivi de la personne, en alternative à la détention.
Les juges ne voient pas le prévenu dans les mêmes conditions que nous. Nous sommes beaucoup plus à même de recueillir des confidences, de poser des questions plus personnelles, d’échanger.
Ils comptent donc sur nous pour leur faire passer notre impression, notre ressenti, nos propositions.
Il faut parler du passé de notre client et dire ce qui pourrait être entrepris, pédagogiquement, pour l’avenir.
Il faut faire de notre plaidoirie, sans qu’elle soit grandiloquente, un moment fort pour le prévenu, il faut qu’il écoute, essayer de lui faire passer un message pendant qu’on plaide. Plaider avec conviction.
Ce que veulent les magistrats, généralement, c’est une sanction adaptée à la situation du mis en cause et qui permettent d’éviter qu’il ne recommence, tout en assurant sa réinsertion.
Il ne faut pas oublier qu’on ne peut pas dire n’importe quoi sur la personnalité : les juges souhaitent des éléments vérifiés. Par exemple, si on a eu l’employeur nous même au téléphone, il ne faut pas hésiter à le dire aux magistrats, ou si on n’a rencontré des membres de sa famille, les juges en tiennent compte dans l’appréciation de la sanction.
En pratique, pour résumer, la bonne plaidoirie en comparutions immédiates, en défense, ne doit pas être trop longue, elle doit être synthétique, outre qu’il ne faut pas plaider l’implaidable.
Nous devons, pour être efficaces, essayer de nous mettre à la place des juges, de les aider à prendre leur décision, dans nos plaidoiries. Ils sont contents quand nous leur expliquons des choses intelligentes.
- La sanction
Il faut plaider les alternatives à la peine ferme, notamment quand il s’agit de ne pas casser une dynamique de réinsertion.
Concernant le sursis mise à l’épreuve, on peut en révoquer un et en mettre un autre. Mais, dans la logique des magistrats, le sursis mise à l’épreuve est réservé à ceux qui en sont dignes. S’il y a des révocations de peine sur le casier, à priori, il n’y aura plus de SME.
Il ne faut pas oublier la contrainte pénale.
C’est une sanction singulière, qui est adaptée dans deux cas : pour une personne complètement dés insérée, dépendante aux drogues, sans domicile fixe, sans emploi, multirécidiviste, parce que cette sanction apporte un cadre. Ou alors pour une personne dont on pense qu’elle est sur la crête et qu’elle risque de sombrer, pour l’épauler, l’aider, avec tout de même une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Certaines personnes ont besoin de cadres. Il faudrait, dans la mesure du possible, que la sanction soit bénéfique. Si elle peut contribuer à aider une personne, c’est positif. Cela arrive parfois.
Il faut y penser en plaidant. Qu’est-ce qui pourrait à la fois préserver les intérêts de la société -et donc mettre un terme à un comportement délictuel- et aider une personne qui commet des infractions parce que seule et à la dérive ?
La contrainte pénale est encadrée par des professionnels, des CPIP, des médecins psychiatres, etc. Elle se met en place immédiatement, avec exécution provisoire, sous le contrôle d’un juge d’application des peines.
Mais malheureusement, il n’est pas possible d’en prononcer beaucoup, faute de moyens. Les juges le savent. Toutefois, cela peut valoir le coup de la proposer comme sanction quand le profil de la personne que l’on défend s’y prête.
Pour le reste, les juges hésitent toujours à donner des aménagements ab initio. Mais il faut les plaider et surtout les expliquer.
Par exemple, une semi-liberté prononcée ab initio, décernée avec mandat de dépôt, c’est 5 jours maximum de détention. Mais cela contraint les magistrats à prendre un jugement immédiatemment pour le transmettre au juge d’application des peines (JAP) donc certains magistrats font montre de… paresse.
Mais il faut continuer à la plaider et à la quémander pour en convaincre les juges quand nous sommes convaincus qu’il faut une sanction choc pour « sauver » une personne, qui peut être sauvée, qui n’a pas sa place en détention mais pour qui passer 3 ou 4 jours en détention sera un choc suffisant.
Le travail d’intérêt général (TIG) : il y en a beaucoup à Paris. C’est une bonne peine pour de petites infractions, pour des mis en cause qui sont oisifs, qui ne veulent pas travailler. Au surplus, il est possible d’y adjoindre d’autres obligations.
- Quid des victimes ?
La 19ème chambre du TGI de PARIS est la spécialiste du préjudicie civil.
La partie civile doit prouver son préjudicie avec des pièces. On peut demander un renvoi sur intérêts civils pour solliciter une expertise ou par exemple dans le cas où le préjudice n’est pas consolidé.
Parfois, la présence de la victime est nécessaire et dans ce cas, si elle n’est pas là, le tribunal peut renvoyer l’affaire.
Dans une plaidoirie prononcée pour une partie civile, il n’est pas utile de reprendre les faits, il faut vraiment se contenter d’expliquer au tribunal ce que nous a indiqué la victime, sa peur, son traumatisme, son ressenti.
En réalité, nous sommes alors le porte-parole du préjudice de la victime. Et pas un procureur bis.
De surcroit, il faut apporter le plus de justificatifs possibles là encore.
Il ne faut pas demander systématiquement le renvoi sur les intérêts civils et quand on le fait, il faut prendre le soin, la précaution même, de toujours formuler des demandes subsidiaires en calculant quel est le préjudice moral et le préjudice physique.
Souvent, pour un tout petit délit, quand la partie civile sollicite une expertise psychiatrique, c’est refusé. Il faut le prévoir. Ce n’est pas automatique. Et donc il faut toujours prévoir un subsidiaire.
Quand on est avocat de la défense, il peut être contreproductif de discréditer à tout prix la victime. Mais bien sûr, on peut estimer que les dommages intérêts demandés sont trop importants et l’indiquer aux termes de la plaidoirie.
On peut aussi préciser que notre client est prêt à indemniser la victime rapidement –immédiatement- si c’est le cas. Cela est bien perçu.
Il est important que les avocats soient présents au cours du délibéré.
Enfin, il faut savoir, pour en informer nos clients, que la cour d’appel statue dans les quatre mois de l’appel du jugement rendu sur le fond interjeté par le prévenu détenu, faute de quoi celui-ci, s’il n’est pas détenu pour une autre cause, est mis d’office en liberté.
Conclusion
Je me permets de le répéter ici, pour conclure : une bonne justice a besoin de sérénité. Ce ne sont pas les comparutions immédiates qui offrent cette sérénité nécessaire. Il faut faire avec, pour ceux qui nous confient la tâche de les défendre.